Sortie du 28 et 29 septembre 2023 à Millau et ses environs
Notre rencontre du 28 et 29 septembre avait privilégié une fois de plus l’Aveyron autour d’une œuvre majeure contemporaine : le viaduc de Millau connu pour être l’ouvrage de tous les records. Ce n’était pas une première, mais ce département possède tant de richesses et de forces vives, que l’on peut y faire maintes découvertes.
En premier lieu ce fut : Roquefort sous Soulzon et une de ses caves, la plus ancienne, celle de Gabriel Coulet où on élabore depuis 1872 un produit de terroir de tradition millénaire.
A noter : La première cave date du XII ème siècle.
A l’origine de l’entreprise familiale, 100% indépendante : une cave à vin.
A la suite d’un éboulement, la découverte de l’entrée d’une fleurine, une fissure dans la roche dont la température est constante, a favorise son implantation. Là est le secret de l’élaboration de ce fleuron de la gastronomie française. Le pénicillium roqueforti s’y développe pour notre plaisir de gourmand….pour qui aime cette saveur particulière.
Le réseau est partout au plus profond de la ville, sous sept étages . La seule chose qui ne se dispute pas est l’air, entre les sept entreprises restantes.
A chaque période de travaux on tremble, nous a-t-on dit.
Fabriqué à partir du lait cru de brebis à l’origine de la Caune, récolté matin et soir, auprès de cent producteurs, notre guide nous a détaillé les différentes phases de cette magie qui voit l’aboutissement de ce produit d’exception apprécié dans le monde entier.
Les différentes phases :
Refroidissement du lait (33 °C), temps d’emprésurage, de durcissement, moulage à la main, ensemencement puis égouttage, salage, piquage, affinage et pour terminer le plombage des pains.
Au début du siècle dernier, les cabaniers et cabanières les enveloppaient dans des feuilles de plomb. Puis avec le problème de saturnisme, elles ont été remplacées par celles en étain. Aujourd’hui l’aluminium qui est utilisé. Tandis que la composition est protégée par du plastique.
Le goût du fromage est différent pour chaque fabrication, en cause :
- le champignon de différentes souches et leurs couleurs.
- leurs cultures très complexes sont particulières et appartiennent à chaque maison.
Le secret est jalousement gardé.
On comprend que Diderot l’ait qualifié de « roi des fromages » par les soins qu’on apporte à sa conception.
D’autant que la légende raconte qu’un berger amoureux pour suivre une jeune fille de grande beauté, aurait oublié du pain et du fromage de brebis dans une grotte du Cambalou.
Revenant quelque temps plus tard, il les découvrit couverts de moisissures. Il goûta le fromage et le trouva délicieux. L’histoire ne dit pas s’il rompit le pain avec la jeune personne.
A quelques kilomètres de là, après notre déjeuner, un autre moment d’histoire nous était conté : celui qui vit l’édification de la forteresse cistercienne de Saint Jean d’Alcas, une perle médiévale.
Nous avons pudéambuler dans ses ruelles paisibles, admirer des maisons caussenardes du XV ème siècle et profité d’un moment hors du temps,de plénitude et de douceur de vivre, sous un soleil qui ne nous a pas fait défaut.
Il y a plus de dix milles ans av J C, ce site était déjà fréquenté et cebien avant que les ruthènes* venus du nord de l’Europe,qui s’implantèrent sur ce promontoire. Au XII ème siècle l’abbaye de Nonenque, non loin de là, fait ériger cette enceinte sur les contreforts du Larzac, nichée au cœur d’un paysage resté sauvage jusqu’à aujourd’hui.
Pour protéger leurs biens et leurs terres de la convoitise des templiers, les abbesses demandent la protection royale en raison de leurs velléités d’appropriation.
En échange elles devaient protection aux villageois, d’autant que pendant la guerre de Cent ans, les routiers pillent les populations à tout-và.
En atteste, une salle de refuge estinstallée au XIV ème siècle. Au fil des ans, ce village forteresse est habité essentiellement par des nobles. La présence d’un four banal avec obligation payante du droit de l’utiliser. Il leur permet de s’enrichir.
Les anglais ne sont jamais venus mais au XV et début XVI ème siècle, les guerres de religions ontperpétré des massacres dans son enceinte. La Révolution ne l’a pas épargnée non plus.
Aujourd’hui habitées par une cinquantaine d’occupants, ces vieilles demeures ont été restaurées grâce à des amoureux de ce site et l’investissement des villageois.
Plus que de le raconter, si vous passez par Roquefort ne manquez pas de faire ce détour de dix kilomètres pour admirer ce patrimoine préservé du temps dont certaines structures étaient étonnantes de modernité, entre autre, l’écoulement de l’eau dans la maison de l’abbesse..
Il était temps de filer vers Millau, Jean Marc Fabre nous attendait pour nous parler de son entreprise créée en 1924, liée à l’élevage des ovins comme toutes les industries de tannerie de la région.
L’Aveyron, 1er département français dans cette activité pour le lait mais pas que…..
Les mâles partent à l’abattoir et leurs peaux sont exploitées surtout celles sans défaut par les ateliers en relation avec les industries du luxe. Les autres sont masquées. C’est la peinture qui fixe leur souplesse.Il ne faut pas confondre la mégisserie (travail des petites peaux) et la tannerie, celle des grandes, pratiquée depuis des siècles dans cette vallée des grands Causses qui on fait et font encore aujourd’hui le renom de la ville de Millau.
Cette industrie est consommatrice de grandes quantités d’eau. Ce travail très minutieux est essentiellement fait par des femmes (les petites mains) à domicile pour compléter leurs revenus pendant « leur temps libre »donc à la lumière du jour. L’électricité n’est pas indispensable pour leur ouvrage.
Une formation coûteuse (20000 euros) et une machine fournie par l’entreprise en échange d’un rendu parfait, font d’elles une main d’œuvre primé par le savoir-fair. Chacune vient chercher son paquet de pièces prédécoupées, ce qui implique peu de personnel : au total 8 ouvrières travaillent en permanence dans les ateliers Fabre.
2 pouces, 6 entre doigts coupés dans le même sens du fil de la peau vont permettre l’ébauche des gants qui pourront être agrémentés de broderies, de passementeries.
Le luxe oblige l’excellence pour se vendre aux très nombreux riches.
A NOTER : des clients prestigieux en France comme la Garde Républicaine, les maisons de haute couture, des stars du show business. Ils ne manquent. Et ce qui n’est pas vendu sur place, s’achète dans les boutiques de luxe de par le monde.
Le milieu de gamme a disparu. Le « pas cher, coûte trop cher ».
En 1963, cette activité occupait 8000 salariés dont 2000 dames à leurs domiciles.
Nous n’avons pas eu l’occasion par manque de temps, de visiter le musée dédié à la ganterie avec ses outils spécifiques. Il est vivement recommandé de se rendre au cœur du Millau ancien, dans l’hôtel particulier de Pegayrolles pour découvrir toutes les facettes de ces métiers.
Pour la plupart d’entre nous, le temps d’être ensemble n’était pas terminé après le tour de ville.
Le lendemain, nous allions découvrir un autre savoir-faire lié à la haute technologie du XXI ème siècle.
Tel un voilier suspendu dans les airs, nous avons pu découvrir la merveilleuse et ingénieuse technologie du pont de Millau construite par Eiffage, à 2 milliards d’Euros qui a nécessité 14 années d’études, 3 ans de travaux, garantie 120 ans. Des chiffres de démesures pour ce colosse tout en élégance avec sa structure à haubans, un défi, des records, une prouesse.
C’est le lieu de passage entre le Causse rouge et le Larzac. Décrié par les défenseurs de l’environnement et de la nature en son temps,béni par les vacanciers, bloqués dans les embouteillages mémorables de la traversée de la ville, il fait aujourd’hui partie intégrante du paysage.
Son tablier en acier le plus long du monde (2460m) est repeint régulièrement. Ce travail au rouleau sur nacelle nécessite 16 tonnes de peinture. Il oblige le recrutement de spécialistes qui ne craignent pas le vertige. La pile centrale la plus haute érigée (245m), le tout (pile et haubans) culminant à 343 m. Il enjambe le Tarn à 268m en appui sur ses 7 piles. Sa fermeture peut être envisagée mais à la force d’un vent de 140kms/h avec des rafales à 250kms/h. Les tests à 968 tonnes de charge les confirment dans les pires conditions.
Alors si vous passez par-là, n’hésitez pas à le franchir en toute sécurité, sans crainte d’affaissement.
Dernière curiosité de la journée après un déjeuner chez Léonie : le 10ème parmi les plus beaux villages de France,Peyre- la pierre, village troglodyteet ses 120 habitants à demeureavec en ligne de mire, les haubans du vaisseau blanc et ses 3 piles du milieu. C’est l’alliance parfaite entre l’ancien et le moderne.
A l’origine, ce fut une carrière de calcaire qui participa à l’édification de Millau.
Après le XVIII ème siècle, le village aux nombreuses calades pentues (ruelles pavées)dont celle des Clapassous (petits tas de pierres) s’est construit en descendant en contrebas de la falaise de tuf, en à pic au -dessus des eaux vertes du Tarn. Ce fut un lieu de protection de populations. Les fouilles l’attestent le site présentait de l’intérêt et fut occupé à maintes reprises au cours des millénaires y compris par des dinosaures.La baume (grotte en provençal), sert d’ailleurstoujours d’abris aux choucas des tours.
Autre lieu de refuge édifié par les hommes du Moyen Age, remarquable par sa structure, appuyée à l’énorme roc, l’église dédiée à St Christophe, de base romane, semi- troglodyte, est un havre de fraîche à la fin de ce mois de septembre. Nous en avons profité avant de nous quitter et nous diriger vers nos différents horizons de cette fin d’après -midi.
*La Ruthénie est une région d’Ukraine. Ce nom serait à l’origine de celui donné à la ville de Rodez
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